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Parlons don !

par Nasra Sabrina Ibrahim

Le 2 janvier 2020, deux étoiles sont montées au ciel pour aider à nous éclairer. Ces étoiles ce sont 2 jeunes de 17 ans, Catherine et Jérémy, ayant fait partie de mon entourage, qui ont perdu la vie dans un accident de voiture. Qui aurait cru que le don d’organe aurait pu me faire voir cette tragédie différemment.

Jérémy Routhier et Catherine Poulin

Lorsque cette tragédie est survenue, toutes les personnes qui ont eu la chance de les côtoyer, moi y compris, ont ressenti un chagrin irréfutable face au départ tragique de ces deux êtres pleins de lumières. Même ceux qui ne les connaissaient pas ont, eux aussi, été attristés par ces vies arrachées trop tôt et trop brusquement. Leurs familles, elles, tout en essayant tant bien que mal de surmonter cette immense perte, ont choisi de prendre les choses en main et de les honorer de la meilleure façon qui soit pour eux : faire en sorte que leurs morts ne soient pas vaines. Et c’est là où j’ai vu un miracle se produire : leur vie, aussi courte qu’elle ait pu être, a réussi à rendre meilleure celles de 4 autres personnes et plus d’une trentaine d’autres par la suite. C’est cette incroyable générosité et ce don de soi littéral qui m’a poussé à aborder, avec vous, le sujet de cet article aujourd’hui : le don d’organes au Québec.

Ce sujet, je vous le concède, est sensible et, comme tout sujet en rapport avec la vie et la mort, les avis sont évidemment partagés. Pourtant, malgré les divergences d’opinions sur le sujet, Transplant Québec nous rapporte qu’en 2019, le Québec, pour la première fois de son histoire, a atteint son plus fort nombre de références de donneurs d’organes potentiels et les donneurs ont permis à 535 personnes de recevoir un organe.

Toutefois, la situation de crise actuelle, causée par la pandémie, est en train de remettre en péril cette évolution. Face à mes inquiétudes et questionnements, madame Annie-Carole Martel, Chef des communications et relations publiques chez Transplant Québec, a réussi à y apporter quelques éclaircissements :

Avec la situation actuelle et les précautions à prendre, y a-t-il des différences notables entre les dons de 2019 et 2020 ? Si oui quelles sont-elles ?

« En avril 2020, au début de la pandémie de COVID-19, Transplant Québec a connu ses plus bas taux de références et de donneurs des cinq dernières années. Depuis le mois de mai, on assiste toutefois à une reprise des activités qui s’oriente vers le niveau généralement observé.Au 30 juin, la situation n’était pas encore revenue à la normale. En effet, par rapport à la même période en 2019 (soit du 12 mars au 30 juin), on constatait une diminution de 50 % du nombre de donneurs d’organes et de 60 % des transplantations. »

Une baisse donc, mais qui n’est pas surprenante vu la crise sanitaire actuelle.

À combien est rendu le temps d’attente pour les transplantations et toutes autres procédures ?

« Le nombre de personnes en attente d’une greffe demeure pour sa part stable. Ainsi, les activités en don d’organes et en transplantation au Québec se poursuivent et sont considérées comme des services essentiels. La vie de patients en dépend. Rappelons d’ailleurs que le destin de 800 patients en attente dépend des futurs donneurs d’organes et de la possibilité de réaliser des transplantations. Il est donc important de maintenir au maximum ces activités. »

Une liste qui pourrait être sujette à prolongation si la situation continue à dépérir.

Quel est également le délai de conservation des organes ?

« Voici à titre indicatif, le temps maximum approximatif entre le prélèvement et la transplantation de l’organe :

Cœur : 4 à 6 heures
Poumons : 4 à 6 heures
Pancréas : 6 à 12 heures
Foie : 12 à 16 heures
Reins : 24 à 48 heures »

Comme vous pouvez le constater, il s’agit d’une fenêtre d’opportunité assez restreinte qu’il faut optimiser au maximum. 

Avez-vous des inquiétudes si la situation se prolonge ? Vous sentez-vous prêt(es) et organisé(es) en cas de recrudescence ?

« Transplant Québec exerce une vigie constante de la situation auprès des instances de santé publique du Québec et du Canada et adapte son approche en fonction de l’évolution de la situation et continuera de le faire. Il importe de rappeler que toute personne peut être considérée comme un donneur potentiel. Transplant Québec et l’équipe médicale évaluent la condition physique générale, les antécédents médicaux et sociaux ainsi que l’état général du donneur au moment du décès afin de déterminer quels organes pourront être prélevés. Toutes les mesures de sécurité sont déployées, comme à l’habitude. Des tests pour la Covid -19 sont systématiquement effectués avant de procéder au don et à la transplantation. »

Un soin particulier qui rassurera sans doute toute personne en attente d’un prélèvement ou d’une greffe, ainsi que leurs proches évidemment.

Mais au-delà de la crise mondiale que nous vivions actuellement et de ses répercussions, un autre point majeur reste très important à aborder lorsqu’on parle de dons d’organes : le consentement.

Que ce soit par un avis personnel, une pratique religieuse, une culture de vie ou des traditions familiales, tout le monde a ses raisons d’adhérer ou non au don d’organes au Québec. Il est donc important de pouvoir exprimer son avis à ce sujet de son vivant. Ainsi, selon les pays, deux options peuvent s‘offrir à vous :

Le consentement explicite : le principe est celui de la participation volontaire. Chaque personne doit faire connaître son choix pour être considéré comme un donneur potentiel après son décès. Le consentement doit donc être connu. Pour cela, une simple signature sur sa carte d’assurance maladie ou un appel pour s’inscrire dans les registres des consentements au don d’organes du Québec et de tissus de la RAMQ peut suffire. Si une décision n’a pas été spécifiée de notre vivant, c’est notre plus proche parent qui devra prendre la décision finale.

Le consentement implicite ou présumé : le principe est celui du retrait volontaire. Toute la population est présumée être des donneurs potentiels dès le départ. C’est alors à la discrétion de la personne d’exprimer son désaccord. Pour ce faire, elle peut soit s’inscrire, en ligne ou par téléphone, au registre national des refus géré par l’Agence de la biomédecine ou s’exprimer par écrit et confier ce document daté et signé à un proche.

Le premier est celui qui est actuellement pratiqué au Québec et quasiment partout ailleurs au Canada alors que le second est celui pratiqué dans plusieurs pays, surtout en Europe.

Quant à savoir laquelle des deux pratiques est LA solution miracle, la question est selon moi bien plus difficile à trancher qu’on ne le pense. Pour preuve, les nombreux débats sur ce sujet et les propositions de changements de lois souvent amenées par certains représentants de partis politiques.

Ainsi, depuis plusieurs années, le député libéral André Fortin se bat pour que la procédure de consentement du don d’organes soit réformée au Québec. De fait, selon lui, si tous les Québécois d’âge adulte sont présumés consentants au don d’organes, dès le départ, cela aiderait à « améliorer les chances des gens qui attendent actuellement pour une greffe d’organe ».

Comme beaucoup de personnes qui sont en faveur du consentement implicite, il a basé en partie sa réflexion sur les pays où ce système semble fonctionner et où le taux de donneurs potentiels est très élevé. C’est le cas par exemple de la France, mais surtout de l’Espagne qui est connue pour être le champion en matière de dons d’organe. Une réussite qui en inspire beaucoup à vouloir essayer cette méthode pour optimiser le nombre de donneurs référencés.

Une seule autre province, la Nouvelle-Écosse vient de légiférer à ce sujet. Elle ira de l’avant avec cette initiative dès le 18 janvier 2021. Malheureusement pour monsieur Fortin, la ministre de la Santé, Danielle McCann, a refusé d’étudier son projet de loi en 2019.

Une des raisons de ce refus pourrait être les exemples des pays où le consentement implicite a été implanté et s’est révélé être un échec cuisant. C’est le cas du Brésil où le consentement présumé a été mis en place et où la réforme n’a pas été bien reçue par la population qui s’est sentie obligée de se soumettre au don d’organes. Le pays a dû faire machine arrière et revenir sur sa décision. La question est délicate et la prudence est de mise puisque peu importe le pays, on ne peut pas forcément affirmer que c’est en choisissant l’une ou l’autre de ces options que l’on va assurer le succès et la participation volontaire des gens.

Reste donc le pouvoir de faire un choix personnellement. La force qui nous est donnée de pouvoir décider de dire oui ou non de son vivant et même de commencer à faire des dons de sang et de plaquettes, entres autres. Autrement, ne pas faire ce choix, c’est laisser cette responsabilité à nos proches qui peuvent, ou non, être au courant de notre choix et supporter, ou non, nos décisions. Le point clé semble donc être la communication de nos décisions. D’où, selon moi, l’importance de l’éducation sur le don d’organes au Québec à tous les âges.

Qu’il s’agisse de sensibiliser, d’informer ou de convaincre, chacun, qu’il soit en faveur du don d’organes ou pas, devrait pouvoir détenir les arguments nécessaires pour défendre son point de vue. Ces faits, éclairés et concrets, pourraient sans doute aider chaque personne informée (les individus, de leurs proches et des professionnels de la santé) à prendre la décision qui lui convient et faire en sorte que ceux qui l’entourent le soutiennent et le comprennent.

Par contre, il est évident que ce que je viens de dire est plus facile à dire qu’à faire, et pour qu’une telle chose se produise, il faut des mesures conséquentes et que chacun soit ouvert à la possibilité de la discussion, que le débat soit ouvert et que chacun soit à l’écoute des arguments de l’autre en étant conscients que ceux-ci risquent de heurter leurs opinions, leurs valeurs et leur morale. Chose particulièrement difficile, vous en conviendrez… Mais quel beau défi de société n’est-ce pas ?

Et pour que de telles dispositions portent leurs fruits, il faudrait évidemment que le gouvernement, ses programmes de financement et leurs campagnes de sensibilisation soient aussi mis à contribution.

Madame Annie-Carole Martel, de Transplant Québec avait une dernière pensée à vous partager aujourd’hui :

« J’ajouterais, peut-être, en terminant, que l’inscription dans un des registres constitue la meilleure manière de confirmer son consentement, tout comme l’importance d’en parler avec ses proches. Cette inscription est durable dans le temps, n’a pas besoin d’être renouvelée et est accessible au moment opportun par le personnel autorisé. Pour plus d’informations et pour s’inscrire à l’un des registres : https://ditesle.ca/fr ».

Sophie Thivierge, la mère de Catherine, avait elle aussi quelque chose à vous dire :

« Le petit mot que j’aimerais dire c’est qu’il ne faut pas oublier le don de tissus. On parle beaucoup du don d’organes au Québec mais peu du don de tissus. Catherine et Jérémy ont tous les deux donné leurs cornées et Catherine a donné ses valves cardiaques, des artères, des tendons et des os. Le don de tissus peut se faire jusqu’à 24 heures après le décès de la personne ce qui fait que beaucoup plus de gens peuvent ainsi participer à ce magnifique et ultime don de soi. Des gens comme Catherine et Jérémy, malgré leur décès sur les lieux même de l’accident, peuvent ainsi aussi donner. Il est très important de parler de ses volontés avant son décès à nos proches car quand la tragédie arrive, la souffrance est tellement immense que la famille peut refuser même si la carte de la personne est signée! D’où l’importance de bien faire connaître ses volonté. C’est tellement gratifiant pour la famille de savoir que notre enfant, notre proche a pu faire la différence dans la vie de plusieurs personnes. Cela donne un sens à ce qui n’en a pas. »

Catherine avec sa mère et son père Sophie Thivierge et Jean-François Poulin

Pour finir, j’aimerais préciser pour ma part que cet article, cette réflexion que je vous partage, a pour unique but d’ouvrir la discussion, de vous offrir un espace où toutes les opinions seront accueillies. Parce que c’est grâce à ce genre de dialogues que des jeunes, comme mes amis partis tôt, ont compris très vite l’importance de communiquer leurs choix haut et fort. Ils ont pu grâce à ça aider à sauver des vies et offrir une deuxième chance à tant d’autres personnes.

Un autre cas qui m’a touchée au cœur est celui du premier bébé né d’un utérus prélevé sur une femme décédée et transplantée sur une autre qui n’était pas en mesure de procréer, car elle était née sans utérus (Article complet ici : shorturl.at/fgqEU).

Juste à penser qu’une part de quelqu’un qui n’est plus a pu aider à créer la vie… Je ne sais pas pour vous et je sais qu’il n’y a aucune réponse juste et finale, mais je trouve que dans ces deux cas ce sont bien des petits miracles, pas vous ?

2 commentaires

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Anne 28/10/2020 - 23:54

Je dois avertir mon fils pour qu’ il n’ait pas de surprise. Je crois qu’il est important de donner et de partager. Il me semble que le fait de permettre à d’autres de profiter de la vie doit soulager la peine de la perte. J’ai 74 ans, je dirai prenez tout ce qui est encore bon chez moi. C’est une façon de rester sur terre. Mon conjoint est au courant et d’accord.

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