Le suicide assisté, la mort sur ordonnance, l’euthanasie ou l’aide médicale à mourir, autant de mots pour parler d’un sujet, qui, il faut bien faut bien l’avouer, est encore bien tabou dans beaucoup d’endroits. En effet, seulement quelques pays dans le monde le permettent légalement. Ces lieux où il est permis de mettre fin à ses souffrances lorsque la douleur est rendue insoutenable sont:
- Les pays du Benelux (la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg) et la Suisse, en Europe
- L’Australie
- La Colombie en, Amérique latine
- Six États américains (Californie, Oregon, État de Washington, Vermont, Colorado, Montana) et le Canada en, Amérique du Nord.
Mais avant de rentrer dans les détails de ce qu’implique ce rendez-vous avec la fin d’une vie, un point est à éclaircir : la différence entre suicide assisté et euthanasie. De fait, dans le cas du suicide assisté, c’est le patient lui-même qui déclenche sa mort. Dans le cas de l’euthanasie, c’est un tiers, généralement un professionnel de la santé, qui déclenche la mort du patient, avec son consentement éclairé bien sûr.
Règles d’admissibilité canadienne
Revenons maintenant aux détails de cette aide médicale à mourir. Peu importe le pays dans lequel cet acte est pratiqué légalement, plusieurs critères sont à respecter. Pour y être admissible, au Canada, par exemple, il faut :
- Être canadien et non juste de passage sur le territoire
- Être âgé d’au moins 18 ans et mentalement capable. Cela signifie avoir la capacité de prendre des décisions en matière de soins de santé par vous-même
- Avoir un problème de santé grave et irrémédiable
- Faire une demande délibérée d’aide médicale à mourir qui ne soit pas le résultat de pressions ou d’influences externes
- Donner un consentement éclairé pour recevoir l’aide médicale à mourir
Donc, il faut répondre à des critères très strictes. La personne qui requiert cette procédure doit se soumettre à plusieurs conditions, en plus d’endurer continuellement d’intolérables souffrances physiques ou psychologiques. Elle doit demander un formulaire à un professionnel de la santé. Puis, le remplir, le dater et signer en présence d’un professionnel de la santé et deux témoins . Ensuite, s’assurer qu’il puisse « s’écouler un délai de 10 jours entre la demande et le moment où elle est administrée ».
Si on ne se basait que sur ces exigences, les choses semblent très encadrées, mais plutôt claires en théorie. Mais en pratique, les nuances sont tellement plus nombreuses! De fait, la description de cette loi, passée en décembre 2015 au Québec, puis partout au Canada, n’est pas assez inclusive ou claire et provoque encore beaucoup de débats.
Modification à la loi
D’ailleurs, en septembre 2019, un grand changement à cette loi a été instauré par Christine Baudouin, juge de la Cour supérieure. Le critère de « mort raisonnablement prévisible » écrit dans le Code criminel a été invalidé et rendu inconstitutionnel, tout comme celui de la loi québécoise qui limitait l’aide médicale à mourir à ceux « qui sont en fin de vie ».
Perception de la population
Un grand pas donc pour ceux qui estiment pouvoir en faire la demande sans être au seuil de la mort. Mais cette évolution, bien évidemment, n’est pas perçue de la même manière par tous. En effet, comme dans tout débat sur un sujet aussi épineux, il y a des pour et des contres. Et chacun, à sa mesure, a des arguments qui se tiennent.
Le clan des CONTRE
Considérons d’abord le point de vue de ceux qui sont contre cette pratique:
- Pour certains croyants de différentes religions l’euthanasie et toutes ses équivalences ne sont que des homicides déguisés. Ils considèrent d’ailleurs les personnes qui choisissent cette voie commune une solution de facilité voire de la lâcheté, même si l’intention première est de « soulager la douleur d’autrui », ou de mettre fin à des douleurs insoutenables,
- Pour d’autres, cette mort assistée n’a pas raison d’être puisque les soins palliatifs sont de plus en plus perfectionnés pour réduire voire supprimer la douleur de ceux en fin de vie. Il suffit juste que les équipes qui les prodiguent soient bien formés tant pour aider à contrôler la douleur physique, émotionnelle et existentielle du patient que pour soutenir la famille et tous les proches aidants.
- De plus, toujours selon ces réfractaires, les dérapages sont totalement possibles car les balises posées pour cette loi peuvent très vite devenir floues. Exemples : des jumeaux sourds qui, en Belgique, ont choisi cette option car ils devenaient peu à peu aveugles. Ou encore, une femme qui, Oregon, s’est vue offrir le suicide assisté comme option par sa compagnie d’assurance qui refusait de payer pour sa chimiothérapie. Pour pousser plus loin, ils vont même jusqu’à aborder les nouvelles discussions qui, en Belgique, pourraient ouvrir le suicide assisté au mineurs avec consentement parental.
- Un autre argument, beaucoup cité, est le fait que : accepter le suicide assisté comme une possibilité c’est décider que certaines vies valent plus que d’autres (plus que celles des personnes âgées, handicapées ou malades). Comme s’il était plus accepté de mourir que de choisir de vivre avec des limitations. Surtout si, au final, un bon diagnostic, un bon pronostic et de bons soins peuvent faire la différence.
Le clan des POUR
Attardons–nous donc un peu sur les arguments soulevés par ceux qui sont pour cette pratique :
- Pour les défenseurs de l’AMM, il s’agit avant tout d’agir en fonction du patient et de ses intérêts. En effet, selon, eux, le malade qui en fait la demande prends le contrôle sur son futur. Il se dote d’une « assurance » en cas de problèmes. Si la douleur est tellement intolérable et invivable qu’il ne peut plus l’endurer, il sait qu’il a cette option. Ainsi, il peut planifier son départ, ses adieux avec ses proches à ses côtés et toutes ses autres dernières volontés.
- Il s’agit également, de modifier la perception sur la mort. En effet, pour les personnes souffrantes, c’est la possibilité de passer d’une mort passive à une mort active. Une mort active dans la mesure où la décision et le geste est programmé. Le patient est entouré et accompagné dans toutes les étapes du processus par l’équipe médicale et la famille. Ça peut sembler plus intéressant que les souffrances insoutenables de la maladies et des traitements.
- Toujours d’après eux, choisir cette voie, c’est penser au bien des familles. De fait, pour eux, l’AMM, décharge la famille d’un énorme poids et de la culpabilité qu’ils pourraient ressentit si jamais ils devaient décider du sort de leur proche mourant avec la sédation terminale par exemple.
- Enfin, un autre aspect non négligeable de l’AMM est son coût plus qu’abordable. L’AMM est une option qui revient moins cher aux patients, mais aussi à la communauté puisque son coût est loin de millions de dollars investis par l’État dans des soins de prolongations de vie qu’ils peuvent parfois juger inutile dans leur fin de combat.
Des cas portés en justice
Ce débat est tel que d’autres points, d’autres sujets peuvent en découler, surtout quand on se penche plus loin et qu’on soulève d’autres points encore plus problématiques :
1. Le consentement des personnes souffrant de handicap les empêchant de s’exprimer comme dans L’affaire Robert Latimer :
Le père a choisi d’empoisonner à l’oxyde de carbone sa fille de 12 ans, handicapée par paralysie cérébrale (elle ne pouvait ni manger, ni s’alimenter ni parler seule) pour mettre fin à ses souffrance due aux multiples opérations qu’elle avait subies. Il purge depuis 1993 une peine pour homicide au second degré.
2. La mort non prévisible des personnes souffrant de maladies mentales comme dans L’affaire Véronique Dorval, docteure en biochimie.
En 2017, la jeune femme de 38 ans a mis fin à ses jours après le refus de sa demande d’AMM. Dans sa lettre d’adieu, elle remet cette décision en cause pour les personnes dans son état. Elle considérait sa bipolarité comme « un cancer de l’âme avec des métastases au cerveau. ». Et même avec une médication qui pourrait sembler convenir, le tunnel est parfois tellement sombre que les personnes, comme Véronique n’y voit pas d’autre échappatoire.
Que doit-on en penser?
Au vue de ces deux visions tout à fait valable, il est clair que la question ne sera pas réglée aujourd’hui et surtout pas avec la seule réflexion de notre article aujourd’hui.
Même s’il y a débat, une chose est claire : les 2 camps sont convaincus que leurs arguments sont les plus valides. Ça ne les empêchent pas d’être tous d’accord sur une seule et même notion. Il s’agit avant tout d’une question sensible sur la vie, la mort, la souffrance et la dignité humaine. Un domaine ou les réactions viscérales sont évidentes, mais où le respect d’autrui prône.
En effet tous sont d’accord sur le même principe : La vie est précieuse, mais pas infinie. À chacun donc de choisir sa conclusion en fonction de ses principes, de ses convictions et ses moyens.
La chance étant que nous sommes dans un pays où, heureusement, la question du suicide assisté est une réalité. Nous pouvons en discuter. Les réponses sont multiples. Nous avons la chance de pouvoir y répondre et, surtout de pouvoir choisir.
Au final, parler ainsi de la mort et des options qui nous ont offertes, c’est avant tout célébrer la vie. Nous avons la chance de vivre maintenant. De faire en sorte que ce sujet ne soit plus aussi tabou, mais un choix éclairé. Oser parler de la mort, c’est se donner le cadeau de mieux vivre la vie dès aujourd’hui.
Il y a quelques temps, nous avons publié l’histoire de Raoul, un québécois qui a choisi l’aide médicale à mourir afin de mettre fin à ses souffrances. Vous pouvez lire son récit dans l’entrevue en trois parties que nous avons réalisé avec sa femme Jacquelyne.