Cet article est la 3e partie de 3. Vous aimerez surement lire la partie 1 et la partie 2 avant d’entreprendre la lecture celle-ci. Bonne lecture
« C’était doux… »
Jacquelyne: À partir de mercredi on a commencé à préparer le grand jour. Raoul nous disait : « Habillez-vous propres, soyez beaux et fiers », comme lui le serait ! On a été rencontrer la Coopérative funéraire de l’Outaouais afin de prévoir le déroulement des funérailles, la musique, l’ambiance… On a choisi des photos, on a même fait et refait une vidéo. Raoul voulait toujours tout voir, participer à choisir malgré sa douleur. J’ai été m’acheter deux superbes robes avec tout le tralala, souliers, sac à main, bijoux, tout pour être belle, tout pour lui plaire, tout pour le rendre encore une fois fier.
Toute la semaine on a pleuré, mais on n’a pas sangloté. On avait tous un peu lâché prise malgré le surréalisme de la situation. Toute la semaine c’était doux Audrey, tellement doux. Raoul a mangé du dessert, cinq desserts (il ne pouvait plus en manger depuis un bout), on en riait ensemble.
Jeudi soir, la veille de.
En aucun moment il n’a remis en question son choix. Ça allait vraiment être vendredi. Mon homme allait partir.
On a choisi minutieusement ses vêtements. On a mangé avec les enfants, c’était tout doux, tout tendre. « À demain papa ».
Lorsque les enfants sont partis, je me suis mise belle, avec un beau déshabillé, je me suis coiffée, parfumée, maquillée minutieusement. Je voulais être belle pour mon homme. Raoul s’est illuminé quand il m’a vue : « Ce que tu es belle Jacquelyne !… Toutes les secondes, tu sais que je t’ai aimée, dès la première seconde on s’est aimé Jacquelyne. Viens dans mes bras ».
Je me suis allongée près de lui, malgré la douleur intense, il m’a serrée dans ses bras, il voulait me serrer et je voulais qu’il me serre. Je pleurais, je n’arrivais pas à contenir mes larmes. Il a délicatement essuyé mes larmes, a mis doucement sa main sur ma bouche et m’a chuchoté :
« Ne pleure plus… tu vas être capable. Tout a été dit, tu as tout dit, reste ici dans mes bras. Tu as été l’amour de ma vie et tu le seras encore… toujours, à travers tous »
Raoul
Audrey: /Je pleure à chaudes larmes au téléphone, je pleure avec Jacquelyne/
Jacquelyne: Mon homme était un être extraordinaire.
Vendredi…
« J’ai besoin de toi aujourd’hui Jacquelyne. » C’était tellement doux à mes oreilles. Je l’ai aidé à se laver, à s’habiller tout beau avec son chandail rouge et aidé à s’asseoir dans le fauteuil. Il ne veut pas rester seul… j’ai même dû approcher la chaise de la salle de bain pour qu’il me voie m’habiller, me mettre belle… Pier-Olivier est arrivé, a lavé la voiture, notre belle voiture. Il était seul avec Raoul. On a déjeuné et pour lui : du sucré et du sucré.
L’infirmière qui nous accompagnait arrive : « Wow! Que vous êtes beaux! ».
9 h, les ambulanciers arrivent pour amener Raoul à l’hôpital.
Il veut que je sois avec lui, près de lui, que je lui touche que je le regarde. Les ambulanciers peinent à le déplacer sans lui faire mal, je lui tiens la main, toujours, sans jamais la lâcher. Même dans l’escalier, dans la montée dans l’ambulance, je lui tiens la main, il me tient la main. /soupirs/
Je demande à ma fille d’arriver vers 10 h à l’hôpital, avec les belles tulipes de Raoul. Elles sont tellement belles ses tulipes. On quitte la maison… Je suis dans un monde en parallèle, mais tellement réel, je n’arrive pas à croire encore, mais en même temps, je suis tellement « là », tellement.
On traverse l’hôpital et Raoul constate qu’il rencontrera des gens qu’il connaît, par peur ou par humour, je ne sais pas, il baisse son chapeau pour cacher son visage : « Ils ne me verront pas ha! ha! ».
On arrive à la chambre et je la prépare avec soin : je dispose les tulipes magnifiques, des chandelles aux douces lueurs, la tablette avec photos et vidéos sélectionnées ensemble, de l’alcool pour trinquer et détendre l’atmosphère, une chaude couverture pour l’envelopper de douceur…
Les enfants arrivent…
Notre si précieuse et sensible infirmière est enfin là. Elle nous informe qu’il y a un petit décalage à l’horaire et que ça se passera à 13 h 15 finalement (au lieu de 11 h 30). Pier-Olivier a pris un moment seul avec Raoul. Myriam l’a fait manger, ils ont aussi eu leur moment à eux. On a regardé les photos, les vidéos, on a bu, on a rhabillé Raoul pour qu’il soit beau beau beau. Mon fils était un peu chaud, on riait tous à gorge déployée.
13 h…
Je me suis couchée avec lui, collée à son corps. Il me tenait la fesse, on l’entourait de toute notre présence, de notre amour, de nos regards, de nos douces paroles. La docteure arrive… c’est l’Heure… /long silence/.
On a porté un dernier toast, on a bu, je n’ai plus rien vu…
Elle lui injecte la première dose, de l’eau, la 2e double dose pour l’endormir, il va partir rapidement. Il était calme et le moment tout doux.
…
Il est parti, le visage entre mes mains. « Va mon amour ». Ses yeux se sont ouverts, je les ai refermés. On l’a entouré, on l’a flatté, on lui a parlé.
Après un certain temps, les enfants ressentaient le besoin de partir.
Je suis restée avec lui. Je l’ai embrassé encore et encore. J’ai ai remis son beau chandail sur ses épaules, puis retiré, puis remis, je lui ai parlé du beau soleil qu’il y avait dehors, des petits oiseaux, des belles fleurs colorées partout. Audrey c’était tellement doux…
Je me suis retrouvée seule ce soir-là à la maison, assise dans mon fauteuil…
Audrey: Quels moments Jacquelyne! C’est si paradoxal : Si doux, si merveilleux et si déchirant et triste à la fois.
Jacquelyne: Notre dernière journée s’est déroulée comme nous le voulions, comme Raoul le voulait. Ç’a été « notre » journée. Raoul a toujours fait passer tout le monde avant lui. Il était d’une disponibilité et d’une générosité incroyables. Et là c’est lui qui passait enfin en premier.
J’avais toujours le goût d’arriver après mes journées de travail et de le retrouver plein d’amour et de désirs. La vie a été belle pour nous et il a eu une belle mort… Ses funérailles étaient belles, pleines de fleurs, de belles photos, de la musique enivrante, de belles personnes qui l’ont tant aimé… Ce sont tellement des moments importants et signifiants pour tous.
Audrey: Jacquelyne, je suis bouleversée et je sympathise à ta douleur. Il y a déjà quelques mois que Raoul est parti. Comment envisages-tu ce qui s’en vient, l’avenir sans lui ?
Jacquelyne: Tu sais Audrey, je me suis levée ce matin et j’ai pleuré. Ça m’arrive tous les matins ou presque. C’est pénible qu’il ne soit plus là. Je vis parfois des moments de grande détresse, de vide étourdissant…
J’ai la chance d’être bien entourée et de pouvoir parler de mon amour, de Raoul. J’ai consulté des gens qui m’ont beaucoup rassurée. Je sais que Raoul est là, je le sens, je le sais. Je sais qu’il m’enverra quelqu’un à la hauteur de mon amour pour lui…
Audrey, je dois te quitter maintenant. Travail oblige.
Audrey: 11:11 Jacquelyne. Je fais souvent des farces auxquelles je ne crois pas vraiment à propos de ce fameux 11 h 11 qui nous dicte de faire un vœu quand on le voit. Alors, Jacquelyne, ce vœu je le fais pour toi. Je te souhaite de la douceur, du courage et je souhaite pouvoir, de par ma plume, rendre un hommage à la hauteur de la grandeur de ton homme. Je te remercie infiniment Jacquelyne. Belle journée à toi.
Fin de l’appel
Raoul voulait qu’on en parle…
À travers cette magnifique histoire de vie, on comprend maintenant que le difficile choix de Raoul, de faire appel à l’aide médicale à mourir, est une véritable marque d’amour, un amour profond pour Jacquelyne, Myriam et Pier-Olivier. Raoul les aimait et les aimera pour toujours…
Je souffle maintenant sur ma douce plume espérant que ce souffle imprégné d’amour parvienne jusqu’à vos cœurs.
Vous désirez consulter l’avis de décès de Raoul et partager des messages de condoléances à sa famille et aux proches, rendez-vous sur la page commémorative de Raoul Gagné