Cet article est la 2e partie de 3. Vous aimerez surement lire la partie 1 avant d’entreprendre la lecture celle-ci. Bonne lecture
« J’ai besoin de partir… »
Audrey: Je suis à l’écoute, j’ai peu de mots, j’ai les yeux pleins d’eau. Ce que ça a dû être souffrant Jacquelyne, je n’ose imaginer ? /voix étranglée/
Jacquelyne: La docteure est venue à la maison pour connaître les souhaits de Raoul pour ses dernières semaines. Elle a été là tout l’après-midi. Elle a tout demandé « Réanimation? » non, « Autres séances de radio? » non… Elle a tout su des volontés de Raoul, de notre vie, de combien on s’aimait…
Raoul a probablement pris sa décision cette journée-là. Il avait confiance en moi, mais visiblement, il ne voulait plus que je subvienne à ses besoins grandissants… la douleur était sourde, mais tellement présente.
Quelques jours plus tard, Raoul m’interpelle : « Jacquelyne, j’ai besoin de partir… J’aimerais que tu appelles le médecin. »
Je suis sous le choc. « Je ne suis pas prête, non, non, laisse-moi le temps, un week-end ? » /sanglots/.
« Personne ne peut plus rien pour moi. Je vous aime. Je ne veux pas que ma femme prenne soin de moi ».
Raoul
Le lundi, je contacte la docteure. Avec beaucoup de délicatesse et de professionnalisme, elle m’explique que Raoul est le candidat parfait pour l’aide médicale à mourir, car c’est un homme fier, un grand homme, qu’il aime son monde… et que s’il fait ce choix c’est par amour pour nous.
En après-midi, Raoul accepte l’aide médicale à mourir et explique à la docteure qu’il ne peut plus, qu’il est rendu là, au bout du rouleau de la vie. Je suis bouleversée, mais je me résigne à respecter ses volontés. Devant deux témoins, il signe, il lâche prise et le processus est enclenché.
Raoul – « Je m’en vais vendredi ».
Jacquelyne: J’ai tellement pleuré Audrey… Je n’arrivais pas à y croire ! Mon amour allait partir dans quelques jours, pour toujours…!
Audrey: Je manque de mots Jacquelyne… Et, dis-moi, comment les enfants ont-ils réagi ?
Jacquelyne: Justement, le soir où Raoul a pris sa décision, le lundi, Myriam m’interpelle en me disant « Maman, il faut que je te parle… Ai-je bien compris que papa veut se suicider ? »
« Non ma fille, ton père a décidé de partir, car il en a besoin. Il le fait par amour pour nous, par amour pour toi, car il ne veut pas devenir une charge. »
Ce soir-là, j’ai tout expliqué aux enfants, on en a longuement discuté, pleuré ensemble son éventuel départ.
Je dois t’avouer que je naviguais en eaux troubles : entre les écueils de la colère, les vertiges du vide et les souffles de l’amour immense. J’ai dû accepter, malgré la houle émotive, le lâcher-prise de Raoul et respecter sa décision. Il le fait par amour alors je vais, avec amour, l’accompagner et le soutenir jusqu’au dernier souffle.
À partir de mardi matin, Raoul ressentait le besoin de le dire à chacun.
Raoul – « Je m’en vais vendredi. Je veux aider à ce que chacun s’y prépare et pour soutenir cette cause qu’est l’aide médicale à mourir. »
Il voulait aider encore et toujours, comme il l’a fait toute sa vie. Aider ses proches à se préparer à son départ, mais aussi, soutenir cette cause qui lui a permis de nous quitter selon ses volontés.
Environ cent cinquante personnes sont venues le voir ou lui ont parlé au téléphone : sœurs, amis proches, médecins, collègues de travail, infirmières… Tellement de larmes, de beaux moments aussi, des sourires, des regards tendres et amoureux, des mots doux… La voix de ses sœurs au téléphone [Audrey… /soupirs/] juste leurs « Allo » étaient tellement remplis de joie, une immense joie de pouvoir parler à Raoul, encore une fois, une dernière fois…
Publication de la Partie 3 la semaine prochaine
4 commentaires
Toutes mes sympathies à la famille. Bon courage il vous aime et il est toujours là pour vous. Lisexxxxxx
Nous venous de le vivre. Mon frère, une personne exceptionnelle, est décédé avec l’assistance de l’aide medical à mourir. Il est décédé le 12 juin 2020, après une bataille de 24 ans avec le VIH. Cela a été très difficile de le laisser partir, oui je suis dans le vide, j’ai tellement de peine, cependant il ne souffre plus. Ses beaux yeux bleus en disait long, il était fatigué…
Recevez nos sympathies, je trouve digne d’admiration votre geste posé. Je lève mon chapeau à ceux qui ont eu le courage et là bonté de vous assister lors de vos derniers moments
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